lisa pignot, jean-pierre saez
Depuis bientôt quatre décennies, la question de la diversité culturelle traverse explicitement le débat public en France. En 2005, avec la Convention Unesco sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, la diversité culturelle s’adossait à plusieurs principes fondamentaux tels que le respect des droits de l’homme et des libertés, les droits culturels, l’esprit de démocratie, de tolérance et de justice sociale. Entre l’esprit de la Convention et la réalité, où en est-on aujourd’hui ? La diversité est-elle toujours un concept rassembleur ? A-t-elle permis de faire reculer le racisme ou de renforcer la cohésion sociale ?
En effet, entre les promesses d’hier et les combats d’aujourd’hui, un écart semble s’être installé. Pluralisant le sujet de la diversité, un nouveau récit a pris forme. Dans le sillage du mouvement #MeToo, du procès Weinstein, ou plus récemment du Black Lives Matter dénonçant un racisme systémique, d’autres voix se sont élevées. Des voix qui appellent notamment à renforcer la lutte contre toutes les formes d’inégalités, de dominations et de discriminations (sociales, sexuelles, raciales, culturelles et esthétiques, etc.) qui persistent aujourd’hui, y compris dans le milieu culturel.
Comment comprendre cet autre récit ? Comme le rappellent plusieurs auteur.e.s, le discours sur la « diversité » (autant que sa capacité d’euphémisation) ne suffit plus. Sa polysémie finirait même par induire de la confusion. Malgré les efforts que les pouvoirs publics et les acteurs de terrain ont pu consacrer à la promotion de la diversité et à la lutte contre les discriminations, des inégalités demeurent voire se renforcent. Le tableau idyllique de l’égalité et de la diversité se fissure. Les dissensus sont nombreux et sont davantage exposés sur les réseaux sociaux. Le champ culturel n’est pas exempt de ces controverses. Pourquoi les scènes théâtrales sont-elles si « blanches » ? Pourquoi laissent-elles si peu de place à la culture sourde ? Comment, en l’absence d’une diversité conforme à celle de la société, un public peut-il s’identifier ou se reconnaître dans ce qui est raconté ? Quel droit à l’exercice critique laisse-t-on à un public heurté par des représentations colonialistes ? Pourquoi les cultures urbaines sont-elles très souvent les alibis commodes d’une programmation se prévalant de la diversité ? Comment expliquer la faible valorisation de l’apport des cultures issues de l’immigration à la culture française ? Pourquoi, malgré quelques avancées indéniables ces dernières années, les femmes demeurent autant minorisées dans les postes de pouvoir ? Pourquoi les personnes trans ou non-binaires sont-elles invisibilisées ?
C’est à l’ensemble de ces débats qu’a souhaité s’intéresser ce numéro de L’Observatoire mais aussi aux expériences de terrain, aux projets situés, aux audaces de celles et ceux qui bousculent le système et grâce auxquels la diversité culturelle ainsi que la relation à l’Autre trouvent leur plus belle expression. Dans cette politique des petits pas, comme dans l’action positive, se dessinent de nouvelles manières d’agir en faveur d’une plus grande égalité et représentativité.