Longtemps relégués aux marges de l’imaginaire collectif, les métiers d’art demeurent largement méconnus des jeunes générations. Pourtant, ils incarnent un secteur d’une vitalité insoupçonnée, où se rencontrent savoir-faire, créativité et durabilité. Dans cet article, issu de son mémoire et nourri d’entretiens avec artisans, enseignants et acteurs institutionnels, Alys Bruneau retrace les initiatives qui tentent de rapprocher la jeunesse de ces professions d’exception.

Inspiré de son mémoire, le texte qu’Alys Bruneau a rédigé pour la collection Écrire demain, regards d’étudiants est disponible en téléchargement ici.
Pouvez-vous présenter ?
Je m’appelle Alys Bruneau. Je me suis d’abord formée à l’École du Louvre, en histoire de l’art puis en muséologie en master 1 et en médiation culturelle en master 2, ce qui m’a permis de me rapprocher des publics et de la démocratisation culturelle et de travailler la question de l’accès à l’art. J’ai ensuite intégré le master « Management des organisations culturelles » à l’université Paris-Dauphine pour lequel j’ai rédigé un mémoire sur les métiers d’art et la jeunesse, à l’origine de cet article. En parallèle, j’ai eu des expériences professionnelles dans des secteurs variés : ministère de la Culture, CAPC à Bordeaux, Fondation Culture & Diversité, puis Hermès où j’ai participé à la valorisation des savoir-faire.
Aujourd’hui, je coordonne des programmes culturels pour l’association Orange Rouge. Nous menons des résidences artistiques avec des enfants en situation de handicap, souvent dans des quartiers prioritaires, en collaboration avec des artistes contemporains. Ces rencontres aboutissent à des œuvres collectives, reconnues et exposées ensuite dans des centres d’art. C’est une manière de conjuguer mon intérêt pour l’art, la création, et la démocratisation culturelle ainsi que mon engagement constant pour l’accès à l’art.
Comment est née l’envie de travailler ce sujet de mémoire ?
Mon intérêt remonte à ma spécialisation en anthropologie du patrimoine à l’École du Louvre, où j’ai découvert la notion de patrimoine culturel immatériel et ses dispositifs de valorisation et de sauvegarde. Pour un premier mémoire, j’ai rencontré des artisans – une lissière, une dentellière entre autres –, dont la passion et le rapport viscéral à leur métier m’ont profondément marquée. En master de médiation culturelle, je me suis ensuite intéressée à l’éducation artistique et culturelle auprès des publics jeunes au CAPC de Bordeaux : comment leur rendre le musée accessible ? Quand je suis arrivée à Dauphine, j’ai voulu combiner ces deux dimensions : mon intérêt pour les savoir-faire et celui pour la médiation en direction de la jeunesse. Mon mémoire sur les métiers d’art et leur diversité est né de ce croisement.
Votre terrain d’enquête vous a-t-il surpris ?
D’abord la diversité des acteurs impliqués : artisans indépendants, institutions publiques, fondations, maisons de luxe. C’était très intéressant de constater une diversité des discours et de perceptions autour de ce sujet. J’ai été frappée par la difficulté de trouver des études qui abordent les métiers d’art dans leur globalité, et encore plus leur rapport à la jeunesse. C’est ce manque qui a nourri mon intérêt, surtout après la mise en place de la stratégie nationale en faveur des métiers d’art, qui consacre un volet entier à la jeunesse. Cette orientation a éveillé mes interrogations sur l’efficacité réelle de ces politiques. Enfin, j’ai constaté un contraste fort entre le secteur du luxe, marqué par la confidentialité et la segmentation des informations, et des acteurs publics ou des artisans qui s’expriment plus librement, parfois de manière très directe sur les limites et les effets concrets de ces dispositifs.
Que voudriez-vous faire évoluer dans le secteur culturel ?
Je souhaiterais une meilleure reconnaissance des métiers de la médiation et de la transmission. Ce sont des professionnels essentiels, souvent très engagés, mais trop peu visibles et pas toujours rémunérés à la hauteur de leurs compétences. Or, ce sont eux qui rendent possible l’accès à la culture pour tous, notamment à travers des programmes éducatifs à longs termes. Malheureusement, ces postes sont encore fragiles : dans de petites structures, ils disparaissent souvent les premiers, et les budgets qui leur sont consacrés sont parfois réduits, comme on a pu le voir avec la diminution de la part collective du pass Culture. Pourtant, cette dimension collective elle est justement indispensable pour donner aux jeunes un accès durable à des expériences artistiques qu’ils n’iraient pas forcément chercher seuls. Dans les musées, on met volontiers en avant la figure du conservateur, mais beaucoup moins celle des médiateurs, alors que leur rôle auprès des publics est tout aussi déterminant. Enfin, j’aimerais que les métiers d’art eux-mêmes soient davantage reconnus au sein du champ culturel : souvent placés à la croisée de l’économie et de la culture, ils restent à la marge, alors qu’ils représentent un patrimoine vivant et une formidable ressource pour l’avenir.