Casque audio sans fil.

Pouvez-vous vous présenter ?

Je m’appelle Manon Novaretti, j’ai 26 ans. J’ai écrit cet article en 2023 lors de mon année de master de management des organisations culturelles, à l’université Paris-Dauphine. Avant cela, j’ai étudié en classe préparatoire littéraire puis j’ai intégré le magistère du CELSA tourné vers la culture et les industries culturelles.

J’ai toujours été très attirée par tout ce qui touche aux médias digitaux et plateformes en ligne. J’ai eu plusieurs expériences chez Salto et Canal+, et lors de mon master, j’ai voulu plus me concentrer sur le monde de la musique. Donc voilà : un grand intérêt pour la culture, les médias, les industries culturelles et créatives. Aujourd’hui, je suis chargée de mécénat et de partenariat d’entreprise à la Philharmonie de Paris.

Comment est née l’envie de travailler sur ce sujet de mémoire ?

J’ai d’abord effectué au CELSA un premier mémoire consacré au thème de la voix, un objet qui peut être aussi fascinant qu’assez impalpable. Je m’étais plus précisément intéressée à la voix dans les matinales de radio.

Et là, j’ai eu envie de me pencher sur un autre objet que j’utilisais beaucoup (et c’est toujours le cas) : les plateformes de streaming.

En tant que grande passionnée et fan de musique depuis l’adolescence, c’est-à-dire depuis que Spotify existe, je passe beaucoup de temps à scruter la plateforme, à analyser ses évolutions, à regarder la manière dont sont disposés les contenus, ce qu’il est possible de faire grâce aux nouvelles technologies, à leurs nouvelles fonctionnalités. 

Du coup, j’ai eu envie de fouiller un peu à l’intérieur de ces « boîtes noires », et d’essayer de mieux saisir ce qui est en jeu en allant interroger à la fois des professionnels au sein de labels de musique, de plateformes de streaming, afin de comprendre comment sont mis en avant les contenus. Ce qui m’intéressait plus particulièrement, c’était d’appréhender la part d’intervention algorithmique et celle d’intervention humaine. Quel était vraiment ce métier d’éditorialisation dans la musique en fait, et comment sont construites les mises en avant ainsi que les opérations marketing qui ont lieu sur ces plateformes.

Votre terrain d’enquête vous a-t-il surpris ?

Oui. Je savais à quel point la filière de l’industrie musicale s’était professionnalisée et adaptée à l’arrivée du numérique, mais je n’avais pas mesuré la diversité des métiers créés ni réalisé que chaque maillon de la chaîne, du label à la plateforme de streaming, repose sur des compétences spécifiques et des personnes dédiées. J’ai été particulièrement surprise par le nombre de professionnels au sein des labels chargés des relations avec les plateformes, mais aussi par l’existence de distributeurs spécialisés dans ce domaine, ainsi que par les nombreux métiers au sein des plateformes elles-mêmes. Dans les très gros labels, certaines équipes se consacrent même exclusivement à une plateforme précise, avec une organisation très sectorisée. Finalement, il y a bien plus d’étapes qu’on ne l’imagine pour publier et promouvoir une chanson sur une plateforme de streaming. Ce qui m’a le plus frappée, c’est la multitude d’interlocuteurs impliqués avant qu’une chanson puisse être entendue.

Que voudriez-vous faire évoluer dans le secteur culturel ?

Ce n’est pas une question évidente. Je proposerais deux réponses, qui interpellent tout particulièrement ma génération. La première, c’est la place et la reconnaissance des femmes. Ce sont quand même des métiers et des domaines dans lesquels les femmes restent moins payées que les hommes et accèdent moins rapidement aux postes de direction, alors qu’elles composent une grande partie des personnes qui travaillent dans la culture. Aux postes de pouvoir, on continue de trouver beaucoup de figures masculines. Quand je parle de place et de reconnaissance, je parle aussi bien des artistes que de tous les professionnels du secteur.

En second lieu, on parle beaucoup dans la culture de métiers « passion ». C’est une appellation et une idée qui peuvent engendrer des comportements et des habitudes qu’on ne voit pas ailleurs. Quand on vous dit que vous faites un métier passion, on peut vous demander de travailler plus que vos heures de travail et on vous paye souvent moins que dans d’autres domaines. On ne délimite pas trop la différence entre la vie personnelle et la vie professionnelle, parce que de toute façon, on travaille pour quelque chose qu’on adore. Mais en fait, la plupart des gens qui travaillent aujourd’hui sont issus de parcours très professionnalisants. Je pense donc que cette idée de métier passion est un peu dépassée et que les professions culturelles se sont construites grâce au fait que des gens ont fait de leurs passions (pour la musique, le théâtre, etc.) un métier. Il y a là quelque chose à faire évoluer pour l’avenir.