[La publication complète du baromètre 2023 est disponible ici.]
Le baromètre est un outil annuel de mesure de l’évolution de l’action publique territoriale de la culture. Il s’appuie sur une enquête réalisée auprès d’un échantillon de collectivités territoriales par l’Observatoire des politiques culturelles avec le soutien du ministère de la Culture – DEPS et en partenariat avec Régions de France, Départements de France, France urbaine, Intercommunalités de France, Villes de France, FNADAC, FNCC, Culture·Co, Culture & Départements.
Le volet national du baromètre 2023 repose sur les données déclarées L’enquête a été menée par questionnaire (via emailing et campagne téléphonique auprès des directeurs et directrices des affaires culturelles prioritairement) d’avril à juin 2023. par un échantillon de 179 collectivités (régions, départements, collectivités à statut particulier, communes de plus de 50 000 habitants) et intercommunalités (comprenant une ville de plus de 50 000 habitants) en matière d’évolution des budgets primitifs et de positionnement culturel. Il concerne également des éléments de conjoncture.
Le taux de réponse avoisine les 70 % pour les régions métropolitaines, les départements, les métropoles, et 50 % pour les communes et les communautés urbaines L’échantillon est constitué de : 9 régions métropolitaines ; 66 départements ; 64 communes de plus de 50 000 habitants, dont 20 communes de plus de 100 000 habitants et 44 communes de 50 000 à 100 000 habitants ; 37 intercommunalités comprenant une ville de plus de 50 000 habitants, dont 15 métropoles, 5 communautés urbaines, 17 communautés d’agglomération ; 2 collectivités à statut particulier situées en Outre-mer et une collectivité d’Outre-mer..
Évolutions des budgets primitifs, des emplois culturels et des subventions des collectivités et intercommunalités
Ce qu’il faut retenir : au regard des évolutions déclarées entre 2022 et 2023, les politiques culturelles semblent mieux résister d’un point de vue budgétaire par rapport aux craintes exprimées lors de la préparation des budgets et au ressenti des acteurs culturels. Si la culture n’apparaît pas comme une variable d’ajustement budgétaire, ces résultats sont toutefois à mettre en perspective avec le contexte inflationniste actuel. Autrement dit, ils n’induisent pas nécessairement une capacité d’action et de soutien supérieure de la part des collectivités territoriales.
Pour les différentes questions liées aux évolutions des budgets (budgets primitifs totaux non uniquement culture, budgets culturels de fonctionnement et d’investissement), des emplois et des subventions culturels des collectivités entre 2022 et 2023, la stabilité (comprenant les évolutions inférieures à 1 %) arrive systématiquement en tête si on considère l’échantillon complet. Et le cumul des réponses indiquant une hausse est supérieur à celui des déclarations de baisses.
43 % des collectivités et intercommunalités de notre échantillon déclarent une stabilité de leur budget primitif culturel de fonctionnement (hors masse salariale) entre 2022 et 2023. 38 % indiquent une augmentation (dont 13 % une augmentation supérieure à 5 %). Moins de 20 % annoncent une baisse.
La stabilité budgétaire en fonctionnement domine assez largement pour les régions et les intercommunalités de l’échantillon (60 % au moins des métropoles, communautés urbaines et communautés d’agglomération comprenant une ville de plus de 50 000 habitants) entre 2022 et 2023. Près de la moitié des départements indiquent une augmentation. La situation est plus hétérogène concernant les communes de plus de 50 000 habitants, avec un tiers d’entre elles qui font état d’une baisse et guère plus d’une augmentation. Sachant qu’il s’agit des premiers financeurs de la culture en volume budgétaire, cela relativise l’impression générale plutôt favorable.
L’observation de l’évolution des budgets de fonctionnement (hors masse salariale) par domaines confirme la tendance à la stabilité pour plus ou moins la moitié des collectivités, quel que soit le domaine. Toutes collectivités territoriales confondues, les baisses touchent davantage le spectacle vivant, les musées et le patrimoine, le livre et la lecture, c’est-à-dire les domaines qui pèsent aussi souvent le plus dans les budgets culturels des collectivités territoriales et qui héritent d’une position plus favorable dans la construction historique des politiques de la culture. Les festivals/événements et l’action culturelle/EAC sont les domaines qui bénéficient le plus de hausses. L’événementialisation de la vie culturelle est une tendance particulièrement affirmée dans les métropoles, puisque les hausses dans ce domaine apparaissent aussi nombreuses que les cas de stabilité et baisse cumulés. Les départements sont les collectivités qui semblent le plus contenir les baisses budgétaires, et ce, quels que soient les domaines d’intervention. Au niveau des communes, le spectacle vivant apparaît particulièrement fragilisé budgétairement, conjuguant le nombre le plus important de baisses et des augmentations peu fréquentes. Une situation que l’on retrouve pour le livre et la lecture au niveau des régions Cf. tableau p. 22 dans la publication complète du baromètre 2023..
48 % des collectivités et intercommunalités de notre échantillon déclarent une stabilité de leur budget culturel d’investissement entre 2022 et 2023, 35 % une augmentation et moins de 20 % une baisse, soit des proportions assez comparables aux budgets culturels de fonctionnement.
Concernant l’évolution du nombre d’emplois culturels dans les collectivités et intercommunalités et des subventions versées aux associations culturelles entre 2022 et 2023, la stabilité domine également pour plus de 60 % des collectivités de notre échantillon Cf. graphiques p. 27 de la publication complète du baromètre 2023.. La hausse est supérieure à 20 % dans les deux cas.
Positionnement des collectivités et intercommunalités en matière culturelle
Ce qu’il faut retenir : du point de vue des orientations et des choix politiques jugés prioritaires, l’aggiornamento des politiques cultuelles – espéré par certains, décrié par d’autres – n’est pas aussi net que les discours, commentaires ou analyses le laissent parfois entendre. Les références et controverses qui animent le secteur de la culture – sur le terrain de la démocratie culturelle, des transitions ou des nouvelles « batailles culturelles » – apparaissent très en recul lorsqu’il s’agit de qualifier ce qui oriente et structure en priorité l’action publique. C’est une forme de continuité des registres d’offre et d’accès qui domine, au côté des logiques territoriales et éducatives de l’action publique culturelle qui apparaissent comme les orientations politiques les plus dynamiques.
— Orientations de politique culturelle —
Comment les directeurs des affaires culturelles (DAC) perçoivent-ils la place donnée à la politique culturelle ? Près de 60 % considèrent qu’il n’y a pas eu de dépriorisation au cours des deux dernières années et que la politique culturelle est autant une priorité qu’avant pour leur collectivité. Plus de 30 % estiment même qu’il s’agit encore plus d’une priorité qu’avant. L’importance politique accordée à la politique culturelle reste donc significative.
Les collectivités et intercommunalités ont été interrogées sur les objectifs politiques qui orientent en priorité les choix culturels de leur exécutif. Leurs réponses – demandées sous forme de trois mots-clés – sont représentées sur le nuage de mots. Au niveau de l’ensemble de notre échantillon, quatre orientations (les occurrences les plus fréquentes) se dégagent : accessibilité ; territoire, éducation artistique et culturelle ; proximité.
En revanche, les références très commentées dans le débat sur les politiques culturelles aux droits culturels, à la participation ou encore aux tiers-lieux apparaissent très en recul par rapport à d’autres orientations plus « classiques » qui ont structuré historiquement le soutien à la vie culturelle et sa justification politique (accessibilité, diffusion, création…).
Pour faciliter la lecture et atténuer les effets liés à la pluralité des termes utilisés pour qualifier un même type de positionnement culturel, une thématisation en 14 registres d’action a été élaborée à partir des objectifs politiques qui orientent en priorité les choix des exécutifs des collectivités et intercommunalités répondantes. Chaque thème inclut une série de mots-clés, dont voici les principaux exemples :
Au niveau de l’ensemble de l’échantillon, ce sont les logiques territoriales d’accès et d’offre qui dominent. Quelques nuances sont identifiables selon les types de collectivités :
– les logiques territoriales structurent majoritairement l’action des régions et des départements, suivies des logiques de création artistique pour les premières et des logiques d’accès pour les seconds ;
– concernant les communes, les logiques d’accès arrivent en tête, devant les registres liés à l’impact social, aux logiques territoriales, puis ceux liés à l’offre et à l’éducation-jeunesse. C’est le niveau de collectivité où la palette des registres de politiques culturelles investis prioritairement est la plus large : autrement dit, l’échelon communal apparaît comme étant le plus généraliste et le moins focalisé sur tel ou tel registre d’action ;
– les intercommunalités privilégient les logiques territoriales et d’accès, avec une place significative également accordée aux logiques de gouvernance-coopération et de démocratie culturelle pour les métropoles.
La manière dont les collectivités conditionnent (ou non) certaines de leurs aides financières apporte des informations complémentaires sur la conduite de l’action publique et sa (re)politisation. 34 % des répondants indiquent une absence de critères de conditionnalité. Pour les collectivités qui en déclarent, la diversité culturelle et l’impact écologique sont les plus privilégiés, par environ un tiers d’entre elles, devant l’égalité entre femmes et hommes. L’impact écologique est particulièrement mobilisé par les régions, les communes et les métropoles.
— Dynamique intercommunale et coopération publique —
46 % des DAC considèrent que la dynamique intercommunale en matière culturelle s’est maintenue à un même niveau d’intensité sur leur territoire au cours des deux dernières années. 35 % jugent qu’elle s’est renforcée. Et seulement 12 % qu’elle s’est affaiblie, relativisant l’ampleur des mouvements de recommunalisation auxquels on peut assister dans certains territoires.
Néanmoins, peu de communes et intercommunalités de notre échantillon (10 %) indiquent avoir procédé à des transferts culturels en 2022 et/ou 2023.
Le baromètre apporte aussi des précisions sur le système de coopération publique inhérent aux politiques culturelles. Si, dans certaines régions, il traverse de réelles turbulences avec un moindre consentement des collectivités à coopérer pour coproduire et cofinancer l’action publique culturelle, notre échantillon national témoigne pour autant d’une certaine stabilité partenariale. Lorsqu’on demande aux directrices et directeurs des affaires culturelles comment ils perçoivent, pour leur collectivité, la coopération multiniveaux en matière de politique culturelle :
- dans des proportions similaires, quasiment la moitié des DAC estiment qu’elle n’a pas évolué, que ce soit avec l’État ou avec les autres niveaux de collectivités territoriales ;
- près de 40 % estiment qu’elle s’est accrue dans les deux cas (un point de vue particulièrement répandu dans les réponses des départements) ;
- 10 % estiment que la coopération a diminué avec les autres niveaux de collectivités territoriales, et 6 % qu’elle a diminué avec l’État.
De façon complémentaire, la majorité des collectivités indiquent ne pas être à la recherche d’une plus grande autonomie dans la conduite de leur politique culturelle par rapport à celle de l’État (66 %) et à celle des autres niveaux de collectivités territoriales (68 %).
Les collectivités régionales se démarquent sur ce point : une majorité d’entre elles déclare rechercher une plus grande autonomie dans la conduite de leur politique culturelle vis-à-vis de l’État, et la moitié vis-à-vis des autres niveaux de collectivités territoriales. Doit-on y voir une tendance à la désolidarisation de ce niveau de collectivité ou à tout le moins une volonté de jouer un autre rôle dans la gouvernance des politiques culturelles territoriales ?
Questions conjoncturelles, crises énergétique et inflationniste
Ce qu’il faut retenir : en 2022-2023, les crises énergétique et inflationniste semblent impacter modérément l’offre et les services culturels proposés par les collectivités ainsi que leur soutien aux acteurs culturels.
Tout d’abord, 41 % des DAC de notre échantillon estiment qu’il n’y a pas eu d’impact de la crise énergétique sur le montant des subventions culturelles versées par leur collectivité et 37 % considèrent que l’impact a été faible. Seuls 12 % estiment que celui-ci a été fort Cf. graphiques p. 44 de la publication complète du baromètre 2023..
Ensuite, 78 % d’entre eux déclarent que la crise énergétique n’a pas entrainé une diminution de l’offre culturelle proposée par leur collectivité. Seuls 11 % estiment l’inverse ; le plus souvent au niveau du bloc local. La même proportion de DAC n’est pas en mesure de se prononcer sur ces effets de la crise.
L’impact le plus significatif de la crise énergétique sur les équipements culturels des collectivités concerne la modification des usages (à hauteur de 40 %). On note moins d’effets en matière de fermetures d’équipements, de changement des horaires d’ouverture ou d’évolution de la tarification aux usagers et publics.
L’enquête permet, enfin, de situer la culture dans un champ d’action publique élargi au regard du contexte inflationniste actuel : il apparaît que, pour 68 % des DAC, l’effort budgétaire demandé à la culture en 2023 est identique à celui demandé aux autres services à la population. 15 % des répondants l’estiment moins important, témoignant d’une relative préservation de ce domaine dans un contexte global contraint. Seuls 9 % le jugent plus important, notamment parmi les communes de plus de 100 000 habitants où la part des budgets culturels par rapport aux budgets totaux est aussi souvent la plus élevée.
L’ensemble des traitements, notamment par catégories territoriales, est disponible dans la publication complète du baromètre 2023 (à télécharger ci-dessous).