Charleroi, montée des Terrils par Alice-Anne Jeandel
Charleroi, montée des Terrils. Photo : © Alice-Anne Jeandel

Cette contribution revient sur plus de vingt ans de responsabilités au sein de la Commission nationale Culture des Verts/EELV Une pensée amicale pour Hervé Pérard et mes ami·es avec lesquel·les j’ai navigué toutes ces années à bord de la commission nationale Culture Les Verts/EELV, parfois par gros temps et souvent avec de belles éclaircies. – que je nommerai « la Commission » tout au long de l’article – et sur les actions organisées par les écologistes dans le champ des politiques culturelles. J’ai fouillé dans mes souvenirs, analysé les rapports de force et les postures, tenté d’en extraire un référentiel d’action publique. Je n’ai pas pu éviter certaines réflexions partisanes : je m’en excuse à l’avance auprès des lectrices et des lecteurs.

L’écologie et le terrain du jeu culturel

Issus des mouvements de retour à la terre des années 1970 et engagés dans les associations d’aide au développement, notamment en Afrique R. Dumont, L’Afrique noire est mal partie, Paris, Seuil, 1962. , les écologistes sont très attachés au territoire, dans le sens du concept mis en lumière par Philippe Descola P. Descola, Par-delà nature et culture, Paris, Gallimard, 2005. et Bruno Latour B. Latour, Où atterrir ? Comment s’orienter en politique, Paris, La Découverte, 2017. . Leurs combats sont toujours ancrés dans un écosystème qu’il s’agit de protéger des forces économiques malveillantes ou des technologies dangereuses pour les humains, la faune et la flore : le Larzac, Creys-Malville, Notre-Dame-des-Landes, l’Amazonie, etc. Les écologistes se veulent les gardiens des espaces et des espèces fragiles. Attachés au développement local et au monde paysan, environnementalistes, spécialistes des milieux naturels, ils défendent le local et ses particularismes, la décentralisation – qui redonne du pouvoir aux responsables locaux – et sont extrêmement méfiants vis-à-vis du cadre national.

En 2002, Les Verts lancent les EGEP (États généraux de l’écologie politique), considérant que leur matrice politique est peu charpentée. La Commission organise alors un week-end de réflexion sur le thème « Culture et décentralisation » dans le Parc naturel régional du Pilat. Une quinzaine d’universitaires, d’élu·es et de professionnel·les de la culture planchent pour identifier les grandes orientations d’une politique culturelle en cohérence avec les positions du parti. Les chantiers sont ouverts, l’écologie politique elle-même est en cours de définition. Ce qui ressort, c’est à la fois l’ouverture au monde, le projet culturel d’un territoire, la nécessaire proximité avec les populations et le besoin de solidarité avec celles et ceux que la démocratisation culturelle n’a jamais convaincu·es. Se dessine déjà, dans ces premiers échanges, une critique des grandes institutions vécues comme « a-territoriales », élitistes et dominantes. Mais par quoi les remplacer ? Nous-mêmes fréquentions ces grands établissements et en étions aussi « les héritiers ». Dès lors, quelle autocritique de nos propres pratiques devions-nous faire ? Fallait-il radicalement réformer ce modèle français de politique culturelle ou devait-on intervenir pour le corriger, l’amender ?

La Charte de coopération culturelle Démarche mise en œuvre par trois maires adjoints lors du mandat municipal 2001-2008 : Patrice Béghain (apparenté PS), Louis Levêque (PC), Pascale Bonniel-Chalier (Les Verts). de Lyon illustre bien ces questionnements. Le dispositif engage les grandes institutions culturelles dans un rapprochement avec les quartiers prioritaires (classés par le Contrat urbain de cohésion sociale) et les populations dites « éloignées ». Mise en réseau des acteurs culturels, sociaux et éducatifs à l’échelle des quartiers, prise en compte des spécificités des populations sur un territoire, invention de formats collectifs de création et de médiation, résidences artistiques, telles sont les démarches proposées pour tenter de dépasser les écueils de la démocratisation culturelle d’inspiration malrucienne.

Cette dynamique a transformé la politique culturelle lyonnaise. Pour autant, des modalités d’action descendantes, voire condescendantes, perdurent et laissent encore de côté une large partie de la population. L’actuelle municipalité lyonnaise s’apprête d’ailleurs à passer à une nouvelle étape de la Charte de coopération culturelle.

La fête qui rassemble versus l’évènementiel qui rayonne

En 2004, la Commission des Verts organise une rencontre à Lille pendant l’année « Capitale européenne de la culture ». Là encore, les participant·es sont partagé·es entre enthousiasme pour la programmation artistique et suspicion vis-à-vis des aspects évènementiels et affairistes Voir « Événementiel vs action culturelle », Internationale de l’imaginaire, no22, Arles, Actes Sud, 2007. . Cette manifestation, comme la Fête des Lumières à Lyon, est emblématique des divergences profondes qui voient progressivement le jour entre les élu·es écologistes et leurs allié·es socialistes.

Fascinés par le mythe CAME (pour Compétitivité, Attractivité, Métropolisation et Excellence)  O. Bouba-Olga, M. Grossetti, « La mythologie CAME (Compétitivité, Attractivité, Métropolisation, Excellence) : comment s’en désintoxiquer ? », mis en ligne sur Hal en mars 2018. , certains maires socialistes défendent l’organisation de grands évènements qui contribuent à la visibilité de leur ville, privilégiant le spectaculaire et les retombées économiques. Les écologistes alertent sur le sentiment d’exclusion et de dépossession de certains habitants, sur l’impact carbone et la vulnérabilité de certains espaces, sur l’inconfort voire l’insécurité de certaines manifestations. Ils et elles renâclent, vont parfois jusqu’à la rupture En janvier 2005, le maire de Lyon retire de ma délégation municipale l’organisation de la Fête des Lumières en raison d’une vision radicalement différente de « l’évènement phare » de son mandat. et sont accusé·es de voir trop petit, de manquer d’ambition, d’être trop rigoristes, de vrais « tue-la-joie » disent même certains ! On a souvent minimisé ce désaccord profond entre les deux formations politiques, alors qu’il est pourtant significatif d’une vision culturelle et d’une conception du développement territorial radicalement différentes. Donner du temps, valoriser les actions de petite envergure, privilégier les coopérations, zoomer sur les espaces de proximité, etc. sont autant de dynamiques qui vont à rebours de l’attractivité recherchée par les maires des grandes villes.

En 2011, Les Verts vont apporter leur soutien à la campagne « l’Art est public ! » lancée par la Fédération nationale des arts de la rue (rejointe par l’Ufisc Union fédérale d’intervention des structures culturelles. ). Ils se sentent en phase avec les propositions de travail artistique dans l’espace public, car ils y retrouvent l’envie de faire démocratie et de soutenir un secteur indépendant moins institutionnel, mieux en prise avec des populations diverses grâce à la gratuité et à l’inventivité des formes. De la même façon, les écologistes saluent le dispositif des Nouveaux commanditaires, mis en place par la Fondation de France, qui prend le temps des intermédiations entre les personnes et les œuvres contemporaines dans des espaces communs.

Fallait-il radicalement réformer ce modèle français de politique culturelle ou devait-on intervenir pour le corriger, l’amender ?

La région contre la métropolisation

Le régionalisme fait partie de l’ADN des Verts. Le parti est organisé en regroupements régionaux qui ne correspondent pas toujours aux régions administratives Par exemple, en région Auvergne-Rhône-Alpes subsistent trois Conseils politiques régionaux EELV : Pays de Savoie, Rhône-Alpes et Auvergne. , afin de tenir compte de l’histoire des identités régionales et du souhait des régions de résister aux fusions imposées par la réforme territoriale de 2015. Le régionalisme défend les particularismes, notamment les cultures et langues traditionnelles et minoritaires en résistance à l’unité linguistique et culturelle imposée depuis la naissance de la République.

Le scrutin à la proportionnelle de listes est favorable à l’élection des écologistes dans les régions comme dans les communes. Dans le cadre d’alliances avec la gauche, plusieurs vice-président·es de commission écologistes En Auvergne, Franche-Comté, Basse-Normandie, Rhône-Alpes, Île-de-France. ont mis en œuvre des priorités pour la culture :

  • Un rééquilibrage campagnes/villes en faveur d’activités en milieu rural ou en milieu urbain défavorisé.
  • Une conception de la culture ouverte à l’articulation avec l’éducation, l’action sociale, le patrimoine culturel immatériel, l’animation, etc.
  • Le soutien aux équipes indépendantes (dans le spectacle vivant, les arts visuels…) qui résident dans les espaces ruraux ou urbains pour vivre et tisser des liens avec les habitant·es.
  • Un appui aux initiatives d’équipes artistiques qui veulent baisser leur empreinte carbone.

Si ce travail politique, mené pied à pied par des écologistes, s’est avéré productif, il est néanmoins peu visible. Parce que les régions sont l’échelon qui subventionne le moins la culture, parce que ces élues n’ont pas souhaité faire une carrière politique retentissante et surtout parce que les allié·es de gauche n’ont pas reconnu ces efforts à leur juste valeur.

La diversité culturelle en bandoulière

« La diversité culturelle est à l’humanité ce que la biodiversité est au vivant ». Ce préambule de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de l’Unesco Précédée en 2001 par la Déclaration universelle sur la diversité culturelle dont l’un des co-auteurs, Patrice Meyer-Bisch, fut mon invité à la mairie de Lyon pour une conférence sur ce sujet. (2005) s’inscrit aisément dans la doctrine de l’écologie politique.

Les Verts ont la diversité culturelle chevillée au corps, y compris dans leur fonctionnement organique Respect de la proportionnalité des courants représentés au sein du Conseil fédéral, le « parlement » du parti. . Citoyenneté et solidarité internationale s’imposent comme les deux piliers incontournables d’une bataille en faveur de la diversité culturelle.

Méfiants à l’égard de la laïcité anticléricale « à la française » et rétifs à toute forme de nationalisme et de domination, les écologistes voient dans la diversité culturelle un enjeu de reconnaissance Se référer aux ouvrages de A. Honneth, La société du mépris, Paris, La Découverte, 2008 ; et La lutte pour la reconnaissance, Paris, Gallimard, 2013. des identités et des minorités issues des cultures régionales comme des communautés migrantes, des classes populaires, des communautés de genres LGBTQ+, des groupes invisibilisés…

Tout au long des années 2000, Les Verts travaillent sur la diversité artistique et culturelle lors de conventions nationales et de séminaires de formation sur l’audiovisuel, les cultures numériques, les médias indépendants, etc.

En 2008, la Ville de Lyon est sélectionnée par le programme Cités interculturelles Candidature sous l’impulsion de ma délégation. lancé par le Conseil de l’Europe, s’appuyant sur les nombreuses initiatives des associations artistiques et culturelles locales. Force est de constater qu’après 2008, la municipalité portera peu d’intérêt à ce programme alors qu’il s’est largement développé à l’échelle mondiale et qu’il permet aux responsables publics et aux acteurs locaux de valoriser la diversité culturelle comme une richesse plutôt que comme une source de conflits.

Si les écologistes ont parfois des réticences vis-à-vis de l’État national, ils et elles sont en revanche fortement mobilisé·es pour la démocratie et la citoyenneté.

La Déclaration de Fribourg sur les droits culturels et les expérimentations menées par quelques départements dans le cadre de la démarche Paideia4D Se référer aux travaux de la démarche Paideia4D menés par les Départements du Nord, de l’Ardèche, de la Gironde et du Territoire de Belfort. inspirent les écologistes. En 2015, c’est Marie-Christine Blandin qui portera haut et fort ce combat en tant que présidente de la Commission des Affaires culturelles du Sénat. Rappelons l’extrême méfiance, à l’époque, du ministère de la Culture, de certains parlementaires socialistes et de quelques syndicats nationaux. C’est l’arrimage des droits culturels à la Convention sur la diversité culturelle de l’Unesco qui permettra à un groupe de sénatrices pugnaces d’imposer l’inscription de ceux-ci dans la loi NOTRe (Loi portant sur la nouvelle organisation territoriale de la République).

La culture au chevet de la démocratie

Si les écologistes ont parfois des réticences vis-à-vis de l’État national, ils et elles sont en revanche fortement mobilisé·es pour la démocratie et la citoyenneté. Dans la pratique, cela consiste à faire valoir toute forme de concertation, de participation et de coconstruction dans les différentes politiques publiques.

Maire de Montreuil, Dominique Voynet lance un processus d’Assises de la culture en 2011. Pendant plus d’une année se sont tenus des conférences, des ateliers et des cafés citoyens afin de concerter habitant·es et professionnel·les sur la vie culturelle dans les quartiers. Mettre la culture dans l’agenda écologiste, entrer en dialogue avec les institutions, renouveler les formes d’action : tout cela s’est avéré périlleux dans le contexte brutal de « guerre des gauches ».

Quelques années plus tard à Rennes, une démarche semblable porte ses fruits. En 2014, EELV signe une alliance avec la maire socialiste à la condition (entre autres) de tenir des États généraux de la culture. La concertation bienveillante et multiforme produira un cahier de doléances et un livret des engagements de la Ville, véritable feuille de route pour le mandat.

Deux territoires, deux histoires, deux contextes politiques différents : comment faire démocratie si l’on ne restaure pas la confiance dans le politique ? L’expérience probablement la plus signifiante pour l’écologie politique se passe à Loos-en-Gohelle dans le Pas-de-Calais. En marge des institutions classiques de la culture et peu relayée par les médias professionnels, la dimension culturelle de cette expérience est mal connue Trois rapports sur Loos-en-Gohelle ont été réalisés par l’Institute for Advanced Sustainability Studies (IASS-Postdam) dans le cadre de la recherche « Articuler écologie urbaine et approche culturelle : la culture dans un système de transition social-écologique » (à paraître). . Pourtant, la Ville a construit la transition de ce territoire de façon culturelle. Jean-François Caron, son maire, président de l’Association des biens français du patrimoine mondial de l’Unesco, insiste sans relâche : la résilience des territoires doit passer par une démocratie impliquante J.-F. Caron, « Résilience et “démocratie impliquante” », DARD/DARD, no1, 2019. dans toutes les actions collectives, par la reconstruction de l’estime de soi et la capacitation (empowerment) des personnes. La connaissance des patrimoines, l’expression artistique, la confrontation aux imaginaires et avec les émotions (Bruno Latour parle des « affects ») sont des fondations indispensables pour « changer de lunettes » et écrire une nouvelle page pour nos sociétés : « regarder les terrils comme des lieux merveilleux » Citation de Jean-François Caron lors de notre entretien. pour être prêts et capables de rêver le monde de demain.

Nature et culture

Pendant ces deux décennies, Les Verts/EELV se sont activés pour « écologiser » leurs allié·es de gauche dans la lutte contre le changement climatique : urbanisme, gestion de l’eau, recyclage des déchets et économie circulaire, transports, énergies, etc. Ils ont revendiqué des démarches d’écoresponsabilité pour la culture et soutenu des initiatives L’Opéra national de Lyon a adopté une responsabilité de développement durable en 2005 dont j’ai corédigé l’article avec le directeur adjoint de l’époque. La Région Île-de-France, grâce à Corinne Rufet (présidente de la Commission culturelle) a encouragé des tournages de films plus sobres en émission carbone. , sans se laisser enfermer dans ce rôle supplétif que les autres partis de gauche étaient prêts à leur laisser dans le champ culturel. Force est de constater que les professionnel·les n’ont pas toujours été accompagné·es à la hauteur de leurs besoins. Ce chantier politique et pratique reste encore largement devant nous.

Les Agendas 21 de la culture, promus par l’Organisation mondiale de Cités et Gouvernements Locaux Unis (CGLU), ont mobilisé l’attention des Verts dans les années 2000. Inspirée par le Sommet de la Terre (Rio, 1992), cette démarche a posé les bases d’un rapprochement entre culture et développement durable Le concept de sustainable development a été défini dans le rapport Brundtland (Our Common Future) en 1987. . Mais le concept de développement durable est devenu un faux ami, un concept valise, trop consensuel pour être honnête ! Les écologistes s’en méfient, alarmés par le greenwashing d’une certaine classe politique et des milieux économiques capitalistiques.

C’est aujourd’hui à partir du concept du vivant que les écologistes repensent leur doctrine sur la culture. Baptiste Morizot B. Morizot, Manières d’être vivant. Enquêtes sur la vie à travers nous, Arles, Actes Sud, 2020. parle de la crise écologique comme d’« une crise de la sensibilité ». Comment prendre soin du vivant, des humains et des non-humains si nous ne sommes pas alerté·es sur l’état de la planète ? Comment faire évoluer les politiques culturelles à l’aune d’une nouvelle matrice qui ne sépare pas nature et culture ?

Un militantisme en quête de légitimité

En vingt ans, la Commission a acquis une reconnaissance au sein du mouvement. On aurait tort de penser que les écologistes de la Commission méconnaissent les réalités professionnelles. Chargé·es de production, programmateur·rices, responsables de projets scientifiques et culturels, archéologues, photographes, professeur·es d’arts plastiques, consultant·es, metteur·es en scène, conservateur·rices, la plupart exercent un métier dans le domaine des arts et de la culture. Pour autant, lors de certaines élections, il faut encore jouer des coudes pour qu’un chapitre soit dédié aux arts, au patrimoine et à la culture. Si le parti ne se risque pas à improviser sur la transition énergétique ou la politique agricole, il n’est pas rare qu’un leader écologiste néglige les questions culturelles ou cherche ailleurs que dans le parti (du côté des ex-socialistes parisiens de préférence) une inspiration et un programme. Dans ce domaine, les écologistes ne se font pas confiance.

Cette ambivalence peut aussi sans doute s’expliquer par les affrontements autour des questions culturelles entre partis de gauche et écologistes quand ces derniers osent remettre en cause le sacro-saint « logiciel » Malraux-Lang. Quelques dossiers brûlants ont ainsi balisé le parcours de ces vingt dernières années Le désaccord sur le mécénat de la Fondation Total à la Ville de Lyon en est un des nombreux exemples. , alors que Les Verts/EELV n’étaient pas en position de leadership politique pour imposer leur vision. Accusation de populisme par le PS, accusation d’élitisme par EELV, ces luttes intestines ont laissé des traces.

Ces débats ont aussi permis d’identifier des complicités entre les écologistes et les milieux professionnels. Des fédérations et des organisations professionnelles (assez récentes), défendant des communautés artistiques sous-représentées, l’économie sociale et solidaire et de nouvelles formes d’action culturelle, tissent volontiers des liens avec EELV, tandis que certains syndicats, défendant les acquis de la démocratisation culturelle, restent méfiants.

La victoire des écologistes aux élections municipales de 2020 dans plusieurs communes rurales et grandes villes (Annecy, Bordeaux, Lyon, Grenoble, Poitiers, Tours, Besançon, Strasbourg, Marseille) est en train de changer la donne. Car, si un candidat aux élections présidentielles ou européennes croit pouvoir faire l’impasse sur les politiques culturelles à l’échelle municipale – quand les villes consacrent entre 15 % et 20 % de leur budget municipal à la culture et que les responsables culturels locaux sont des leaders d’opinion –, les écologistes doivent disposer d‘un cadre de réflexion et d’action sur les politiques culturelles.

Passés les procès en incompétence faits par les médias nationaux, les élu·es écologistes expérimentent de nouvelles approches. À Bordeaux, la Halle des Douves devient le laboratoire des transitions des droits culturels. Le maire adjoint chargé de la Création et des expressions culturelles privilégie des méthodes permaculturelles, sans retentissement, mais dans le souci de mieux prendre en compte le territoire : changer de gouvernance, limiter les appels à projets qui mettent les acteurs culturels en concurrence, penser les politiques culturelles d’abord pour les habitant·es. Même approche à Poitiers où le maire adjoint aux Espaces publics et aux Droits culturels réunit régulièrement la communauté professionnelle sur différentes thématiques pour faire bouger les lignes.

À Lyon, après être venue au secours du secteur culturel avec un fonds d’urgence de quatre millions d’euros, la Ville s’apprête à lancer les États généraux des droits culturels. Plusieurs mois seront nécessaires pour engager les habitant·es dans des choix culturels pour leur cité et dans l’élaboration collective d’une nouvelle politique culturelle. Une démarche indispensable pour la transition vers une vie meilleure et une ville qui respire.

Article paru dans l’Observatoire no59, avril 2022